DANS L’OPTIQUE DE REGROUPER AU SEIN D’UN MÊME EPIC LES ACTIVITÉS DES OPÉRATEURS GAZIERS EN FRANCE, IL EST NÉCESSAIRE DE FAIRE UN ÉTAT DE LIEU. LA CHAÎNE GAZIÈRE ENGLOBE L’ENSEMBLE DU CYCLE, DEPUIS L’APPROVISIONNEMENT, LA PRODUCTION (NOTAMMENT DE BIOGAZ) ET L’EXTRACTION, JUSQU’AUX SERVICES ÉNERGÉTIQUES, EN PASSANT PAR LES RÉSEAUX, LE STOCKAGE ET LA RELATION AVEC LES USAGERS.
Que ce soit par l’organisation des réseaux énergétiques, ses émissions de CO₂ – parmi les plus faibles des énergies carbonées – ou encore par le développement du biogaz, la filière gazière dispose encore de solides atouts pour l’avenir. Mais la situation reste complexe. Depuis la loi d’ouverture du capital de 2004, puis la privatisation de GDF consécutive à sa fusion avec Suez, le secteur gazier a été profondément éclaté. Les segments liés à l’approvisionnement et à la fourniture ont été cédés ou soumis à une concurrence intense. La relation clientèle, quant à elle, s’est réduite comme peau de chagrin et est de plus en plus externalisée à l’étranger. Ne subsistent dans une logique proche du service public que les activités régulées, comme les réseaux et le stockage.
EXPLICATIONS…
Le stockage :
Les nappes aquifères
Le stockage en nappes aquifères consiste à injecter du gaz dans un sous-sol constitué de roches poreuses. Le gaz, sous pression, repousse l’eau déjà présente, tandis qu’une couche imperméable en forme de dôme assure une rétention sûre et étanche. Les caractéristiques géologiques varient selon les sites, rendant les injections et soutirages plus ou moins flexibles. À noter : environ la moitié du gaz stocké reste en permanence dans l’ouvrage. Appelé « gaz coussin », il garantit la fonctionnalité du site et la qualité du gaz soutiré.
Les gisements épuisés (ou « déplétés »)
Cette technique repose sur la réutilisation d’anciens gisements d’hydrocarbures, naturellement imperméables. Le gaz est injecté sous pression et stocké efficacement, mais son soutirage se fait de manière continue, avec des débits relativement faibles et peu de flexibilité.
Les cavités salines
Ici, le stockage est rendu possible grâce à des cavités créées par lessivage à l’eau douce dans des couches de sel. Ces cavités peuvent contenir de 100 000 à 1 million de m³ de gaz. Le sel, naturellement imperméable, garantit une étanchéité optimale. Ce type de stockage offre une grande réactivité et une flexibilité, avec des débits 5 à 6 fois supérieurs aux autres techniques. Les cavités salines sont donc privilégiées pour répondre aux « pics de froid », c’est-à-dire aux besoins immédiats et ponctuels.
Les cavités « sous cocon »
Ces cavités ne sont plus exploitées actuellement, mais elles sont conservées en réserve et peuvent servir de soupape en cas de besoin urgent. Grâce à ces trois premières technologies de stockage, la France peut conserver jusqu’à 11,2 milliards de m³ de gaz dans son sous-sol. Ces réserves jouent un rôle clé pour répondre aux besoins accrus de l’hiver (périodes de soutirage). À l’inverse, durant l’été, quand la demande diminue, le système passe en phase d’injection : les approvisionnements aux frontières et via les terminaux alimentent directement les usagers, tandis que les excédents planifiés sont stockés. Ces capacités stratégiques constituent également un levier économique, car elles permettent de lisser les prix. Couplés aux anciens contrats d’approvisionnement de long terme, les stockages formaient la base industrielle qui garantissait aux Français des tarifs uniques et régulés. Contrairement aux approches probabilistes et court-termistes actuelles, renouer avec une logique de surcapacités et de planification permettrait de rétablir sans difficulté la péréquation tarifaire pour tous les usagers.
Les terminaux méthaniers :
La France dispose de cinq terminaux méthaniers :
Quatre terminaux terrestres : trois exploités par ELENGY (deux à Fos-sur-Mer – Cavaou et Tonkin – et un à Montoir-de-Bretagne, le TMM), et un par GAZ OPALE à Dunkerque.
Un terminal flottant (FSRU) exploité par TotalEnergies au Havre.
Ces terminaux reçoivent du gaz naturel liquéfié (GNL). Pour obtenir cette forme liquide, le gaz est refroidi sur les sites d’extraction à – 163 °C, ce qui resserre ses molécules. Résultat : 1 m³ de GNL équivaut à 600 m³ de gaz naturel à l’état gazeux. C’est l’atout majeur du GNL : il permet de transporter, sous forme liquide, un volume 600 fois plus important. Le transport est assuré par des méthaniers à double coque, que l’on pourrait comparer à de gigantesques « bouteilles thermos flottantes et motorisées ». Durant le trajet, une partie du GNL s’évapore : cette regazéification est récupérée pour propulser le navire.
Les terminaux assurent plusieurs fonctions :
Déchargement (et parfois chargement) des méthaniers ;
Stockage temporaire de grandes quantités de GNL ;
Regazéification, compression et injection dans les réseaux de transport (NaTran, ex-GRTgaz, et/ou Terega).
Une étape essentielle complète le processus : l’odorisation du gaz. Naturellement incolore et inodore, le gaz représente un danger en raison de son inflammabilité et de son explosivité. Pour le rendre détectable, 1 ml de THT (tétrahydrothiophène) est ajouté à chaque m³ de gaz, ce qui permet de repérer rapidement d’éventuelles fuites.
Les centrales électriques à gaz :
La hausse des prix du gaz et le développement des ENR – Energies Renouvelables réduit l’utilisation des CCG – Cycle Combiné Gaz. De plus en plus, les CCG serviront à passer les pointes de consommation. Cette vision et ces usages purement financiers engendrent un vieillissement prématuré du parc, dû à la multiplicité de démarrage et de déclenchements. Malgré tout, les CCG restent les compléments parfaits du renouvelable ! Réactifs et pilotables, ces ouvrages compensent l’intermittence des énergies fatales que sont le solaire et l’éolien. Lorsqu’elles sont liées à de l’industrie proche, elles permettent aussi de produire de l’énergie verte en captant les déchets de ces dernières.
Les réseaux de chaleur :
En France, il existe environ 950 réseaux de chaleur, raccordés à près de 48 000 bâtiments. Ils permettent de chauffer plus de 2 millions de logements. D’ici à 2030, la visée est d’atteindre les 1 600 réseaux, avec pour objectif un taux de 73 % d’énergies renouvelables et de récupération. Les réseaux de chaleur desservent principalement les zones urbaines denses, avec une consommation majoritaire dans le résidentiel et le tertiaire.
Le transport
NaTran, ex-GRTgaz, est l’un des deux grands opérateurs d’infrastructures de transport de gaz naturel en France, aux côtés de Terega dans le Sud-Ouest. L’entreprise gère les réseaux dits « haute pression » (32 500 km), destinés à l’acheminement régional et national du gaz, ainsi qu’aux interconnexions avec les pays frontaliers, les stockages souterrains et les terminaux méthaniers. Elengy, spécialiste du GNL, est une filiale de NaTran. En 2024, NaTran compte 3 350 salariés (3 850 en incluant Elengy) et a assuré le transport de 588 TWh d’énergie, soit davantage que la production totale d’électricité française la même année (536,5 TWh). Sur ce volume, 123 TWh correspondent à des flux de transit avec les pays voisins, confirmant le rôle central de la France sur la scène gazière européenne : 24 % du GNL consommé en Europe y transite. Le réseau a également permis d’acheminer les 11,6 TWh de biométhane injectés en France en 2024, soit l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires. Mais, la baisse tendancielle de la consommation de gaz fragilise les revenus de NaTran, alors même que son rôle stratégique dans la sécurité énergétique française et européenne s’est renforcé ces dernières années. La FNME-CGT souligne que ce défi est d’autant plus complexe que la libéralisation des marchés au début des années 2000 a soumis ces infrastructures stratégiques à la logique financière. Or, les marchés peinent à valoriser les activités de long terme comme la sécurisation de l’approvisionnement. Après des années de dividendes massifs versés aux actionnaires, le modèle montre aujourd’hui ses limites. Pour le syndicat, il devient essentiel de renationaliser l’énergie, un secteur hautement stratégique dont l’importance a été rappelée par la guerre en Ukraine.
La distribution
La dernière des infrastructures qui distribue le gaz jusqu’aux usagers finaux, particuliers, professionnels, collectivités et bien d’autres, est GRDF. Mais pas seulement, il faut savoir qu’en France, GRDF exploite 95 % des réseaux de distribution de gaz et les 5 % restants sont gérés par des entreprises locales de distribution (ELD). La spécificité des ELD c’est qu’elles sont simultanément distributrices et fournisseurs avec leurs propres offres, ainsi que des offres de marché. Le réseau français de canalisations de distribution de gaz est long d’environ 200 000 km sur le territoire pour environ 11 millions de clients. GRDF est soumis à des obligations de contrat de concessions avec les collectivités sur une durée bien définie où elle prend des engagements. L’activité de GRDF est régie par un contrat de service public signé tous les cinq ans avec l’État. Il fixe les engagements de l’entreprise et les missions qui en découlent. GRDF assure la sécurité d’approvisionnement et la continuité du service, qualité des relations avec les clients, la sécurité du réseau et des installations. Les obligations de décarbonatation et de neutralité carbone ont amené à des évolutions et du principe même de transit de la molécule. Là où elle n’arrivait que par les réseaux de transport avant, maintenant, elle s’achemine également par différents systèmes de production de gaz vert qui injectent des nouvelles molécules vertes directement sur le réseau de distribution et pour les plus gros sur les réseaux de transport. Et demain, bien d’autres technologies, de nouveaux gaz de synthèse feront leurs apparitions.
