LES PRÉCIEUX MÉTAUX QUE CONTIENNENT LES BATTERIES DES VÉHICULES ÉLECTRIQUES ONT VOCATION À ÊTRE RECYCLÉS. LES TECHNOLOGIES EXISTENT POUR CELA, MAIS DEUX GRANDS PROJETS INDUSTRIELS PRÉVUS À DUNKERQUE RESTENT EN ATTENTE, FAUTE DE VISIBILITÉ SUR L’AVENIR DE LA VOITURE ÉLECTRIQUE.
Dans un contexte où la course aux métaux stratégiques devient un nouvel enjeu géopolitique, les objectifs de recyclage portés par l’Union européenne semblent de bon sens : 50 % pour le lithium et 90 % pour le cobalt, le cuivre, le plomb et le nickel en 2027, et respectivement 80 % et 95 % en 2031. La feuille de route convient à tout le monde, mais le diable se niche dans les détails : les technologies sont-elles matures pour recycler ces métaux et les porter à une pureté compatible avec la fabrication de nouvelles batteries ? Et quels sont les industriels maîtrisant ces technologies prêts à investir ?
L’enjeu de ce débat, en France, se pose pour l’essentiel à Dunkerque (Nord). La proximité de la centrale nucléaire de Gravelines ainsi que les facilités fournies par le grand port industriel ont conduit à la création ces cinq dernières années d’une véritable filière industrielle de la batterie électrique. Les mêmes sites pourraient-ils aussi accueillir les usines de recyclage de batteries ? Leur durée de vie est aujourd’hui aux alentours de douze ans, ce qui signifie que des quantités en fin de vie.
Le premier projet dans la région de Dunkerque est porté par l’entreprise minière Eramet, associée à Suez dans cette affaire. Il s’agit de construire une usine purifiant à partir de la « blackmass », produite par le broyage des batteries usagées, les précieux métaux avec un degré de pureté permettant leur réutilisation. Une usine de pilote de 800 m² a été ouverte à Trappes (Yvelines) en 2023. Elle est supposée être le prototype à l’échelle 1/1 000 d’une usine à venir à Dunkerque. Mais les décisions ne cessent d’être reportées.
Le second projet est porté par Orano, issu du démantèlement d’Areva, et qui possède une réelle expérience en matière de procédés chimiques industriels de traitement des métaux. Orano envisage à Dunkerque la construction de trois usines : la première pour la récupération des déchets de « gigafactories » de batteries voisines ; la seconde, en association avec l’industriel chinois XTC qui aurait 51 % du capital, dans la production de CAM (cathode active materials), composant de base des batteries ; et la troisième dans la production de PCAM « Précurseur », permettant elle-même celle de CAM. L’ensemble représenterait pour Orano un investissement de plus d’un milliard d’euros, avec 1 000 à 1 200 créations d’emploi. Mais là encore, les décisions tardent à venir. La CGT d’Orano espère des annonces lors du comité de groupe prévu les 10 et 11 décembre prochains.
Ces tergiversations industrielles s’expliquent par les difficultés actuelles de l’industrie automobile, mais aussi par les hésitations de la politique européenne. Sous la pression croissante de l’extrême-droite, l’Union européenne renonce, petit à petit, à son programme de transition écologique dont le recyclage n’était qu’un aspect. Mais quelles que soient les vicissitudes politiques, l’Europe n’aura de toute manière pas d’autres alternatives, à terme, que de recycler ces métaux dont, par les hasards de la géologie, son territoire est largement dépourvu.
Nicolas Chevassus