Bordée par la Roumanie au nord, la Grèce et la Turquie au sud, la Serbie et la Macédoine du Nord à l’ouest et la mer Noire à l’est, la Bulgarie est le pays le plus oriental de la région des Balkans. Cette ancienne province de l’Empire ottoman devient une principauté autonome en 1878, entretenant des liens étroits avec la Russie. Mais, inquiets par la puissance de cette nouvelle nation, les  grands États européens obtiennent une révision des frontières qui débouchera sur une longue période d’instabilité et sur une montée des nationalismes.

Alliée à l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale, la Bulgarie subit un coup d’État en 1923 qui instaure un régime proto-fasciste. Le tsar Boris III gouverne de façon autoritaire puis installe une véritable dictature en 1935. Il s’engage aux côtés de l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Après la victoire des Alliés, le pays entre dans la sphère d’influence de l’URSS. À sa tête, Valko Tchervenkov mène des politiques directement inspirées de celles de Joseph Staline. Écarté en 1953, il est remplacé par Odor Jivkov, qui dirigera la nation pendant plus de 35 ans. Les relations avec Moscou sont si étroites que la Bulgarie faillit devenir la seizième République soviétique membre de l’URSS.

Dans un pays très rural (en 1947, 80 % de la population vit à la campagne), le pouvoir communiste met en place des politiques d’électrification, de santé, d’éducation, d’industrialisation. En 1952, débute l’exploitation du bassin houiller de Maritsa Iztok, dans le sud-estdu territoire. Plusieurs mines de lignite sont ouvertes et une première centrale électrique à charbon est construite. Deux autres seront mises en chantier respectivement en 1962 et 1978. En parallèle, de nombreuses centrales hydroélectriques sont implantées dans le bassin versant de la rivière Marista. En 1970, le gouvernement lance la construction d’un premier réacteur nucléaire de conception russe (VVER-440) à Kozloduy, dans le nord-ouest du pays.

Outre le charbon, la Bulgarie est un grand producteur de cuivre, de zinc et de tabac. Au début des années 1980, un nouveau secteur d’activité émerge dans les technologies de pointe : pièces détachées d’ordinateurs, robots industriels… Mais, la production intensive et énergivore provoque d’importants dégâts écologiques, qui déclenchent de premiers mouvements de protestation. Celle-ci s’étend, de nombreux citoyens dénonçant l’autoritarisme du régime et la corruption qui mine l’État.

Le régime communiste s’effondre en novembre 1989, mais la puissance des mafias rend la situation politique complexe. Entre 1991 et 1997, sept gouvernements différents se succèdent. Comme beaucoup de pays de l’Est, la Bulgarie subit une grave crise économique à la fin des années 1990. Le Fonds Monétaire International intervient en contrepartie de violentes politiques d’austérité. En 1998, les centrales au charbon 1 et 3 de Maritsa Iztok sont vendues au privé. Des énergéticiens américains s’en emparent : AES Corporation, une firme basée en Virginie, et Contour Global, dont le siège est logé aux îles Caïmans.

La Bulgarie rejoint l’OTAN en 2004 et l’Union européenne en 2007. La Cour des comptes européenne révélera plus tard que Sofia était pourtant loin de satisfaire tous les critères d’adhésion. Elle a d’ailleurs renoncé à entrer dans la zone euro (la monnaie nationale reste le lev bulgare) et n’est pas membre de l’espace Schengen de libre-circulation des personnes.

La corruption sévit toujours dans la société bulgare et la situation politique reste instable. Depuis 2021, pas moins de sept élections législatives se sont tenues. Remporté par la droite, le scrutin d’octobre 2024 n’a pas mis fin à la confusion. L’électorat est notamment fracturé par la question russe, et le taux de participation inférieur à 40       % reflète une grande lassitude.

Au plan économique, la Bulgarie attire les investissements étrangers grâce à un taux d’imposition sur les entreprises de 10 %, soit 6 % de moins qu’en Roumanie et 15 % de moins qu’en Grèce. Même si une partie de ces capitaux s’oriente vers l’économie « verte », le pays reste le plus énergivore de l’Union, consommant 3,5 fois plus d’énergie par point de PIB que la moyenne des États membres. Il est également le plus pauvre des vingt-sept et sort en tête du classement mondial cette fois-ci, en termes de déclin démographique : d’ici à 2040, sa population devrait diminuer d’un quart.

Au début des années 1980, la centrale de Kozloduy comptait quatre réacteurs VVER-440. Tous ont été fermés entre 2004 et 2007 à la demande de l’Union européenne. Les unités 5 et 6, de type VVER-1000, ont pris le relais, générant environ 40 % de la production nationale.

En 1981, la Bulgarie décide de s’équiper d’un nouveau site nucléaire sur la commune de Béléné. La construction est lancée en 1987 et l’URSS livre deux réacteurs VVER-1000. Mais, l’effondrement du bloc de l’Est met le projet à l’arrêt. Après plusieurs tentatives de relance, la réalisation de la centrale de Bénélé est abandonnée. Le gouvernement bulgare choisit plutôt d’ajouter deux nouvelles tranches au site existant de Kozloduy. Fin 2023, débute le chantier pour l’installation d’un premier réacteur de type AP1000 fourni par la firme américaine Westinghouse. Un second doit suivre, portant la capacité totale des futures unités à 2,3 gigawatts. En parallèle, Sofia négocie avec l’Ukraine la vente des deux réacteurs russes qui devaient équiper le site de Béléné, livrés sur place, mais jamais utilisés.

La production électrique à partir de lignite se poursuit, variant en fonction des besoins et des prix de marché. En 2022, au plus fort de la crise énergétique, elle représentait la moitié du mix électrique. En 2023 et 2024, elle est redescendue aux alentours de 30 %. Avec ses 1,6 gigawatt, la centrale thermique de Maritsa Iztok-2 est la plus puissante du pays et même du Sud-Est de l’Europe. D’après l’Agence européenne de l’environnement, elle est également le site industriel le plus polluant de toute l’Union.

Sofia s’est engagée à réduire l’utilisation de charbon, mais ses objectifs sont loin d’être clairs. Le Plan pour la reprise et la résilience de la Bulgarie prévoit des investissements dans l’éolien et le solaire (qui pèsent respectivement 4 et 12 % de l’électricité produite en 2023) et dans la décarbonation. Mais, en 2023, le gouvernement annonce que son parc de centrales au charbon restera en service au moins jusqu’en 2038 et que ce sont ensuite les logiques de marché qui conditionneront leur arrêt ou leur maintien en activité.

Or, depuis la fin des années 1990, la Bulgarie est un exportateur net de courant. Selon les années, le solde positif de la balance commerciale électrique s’établit entre 5 et 25 % de la production nationale. En 2022, les ventes à l’étranger ont culminé à plus de 12 térawattheures, générant trois milliards d’euros de recettes.

La production de gaz de la Bulgarie est insignifiante et la consommation assez faible, mais le pays est incontournable en termes de transit. Via le Turkish Stream, il reçoit du gaz russe qui est ensuite livré à la Macédoine du Nord, à la Serbie, à la Hongrie et à l’Autriche.

Si Sofia a diversifié ses approvisionnements grâce à des accords avec la Turquie et la Grèce portant sur du gaz liquéfié, elle reste dépendante de la Russie à hauteur de 90 %. Et, à travers elle, les pays destinataires du combustible. Cette position stratégique sera encore renforcée en janvier 2025, lorsque les flux transitant par l’Ukraine seront stoppés.

Pour le pouvoir bulgare, l’énergie est une arme géopolitique qu’il utilise dans plusieurs dossiers. C’est le cas pour l’adhésion à l’espace Schengen que l’Autriche refuse. Au printemps 2024, Sofia menaçait d’imposer une taxe de 10 euros par mégawattheure sur le transit de gaz pour « punir » Vienne de son veto. L’augmentation des tarifs toucherait aussi la Macédoine du Nord, avec laquelle la Bulgarie est en conflit. Cette dernière lui reproche notamment de ne pas accorder les mêmes droits à la minorité bulgare qu’aux Macédoniens et, en représailles, refuse son entrée dans l’Union européenne.

Sa position de « hub » gazier et d’exportatrice de courant électrique dans la région explique peut-être également la timidité de Bruxelles vis-à-vis de Sofia. Sur l’arrêt de l’utilisation du charbon comme sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Bulgarie semble disposer d’un traitement de faveur. Même l’ouverture à la concurrence ne paraît pas aussi prioritaire qu’ailleurs. À part les centrales 1 et 3 de Maritsa Iztok et les parcs éoliens ou photovoltaïques privés, le système énergétique est entièrement public. Depuis 2008, la Bulgarian Energy Holding, une holding d’État, regroupe les activités gazières nationales, l’opérateur du réseau électrique, ceux de la centrale nucléaire de Kozloduy et de la centrale thermique Maritsa Iztok-2 ainsi que les mines de charbon.