« En 2025, la présence de la CGT au Festival de Cannes ne saute pas forcément aux yeux, tant l’attention est attirée par le tapis rouge, les strass et les projecteurs », explique l’historien Tangui Perron. Et pourtant, depuis 1946, la CGT joue un rôle actif dans cet événement. Aujourd’hui encore, elle y est représentée au conseil d’administration par Denis Gravouil, secrétaire confédéral.

Pour comprendre cette alliance apparemment paradoxale entre un syndicat de travailleur·euses et le monde du cinéma, il faut remonter aux origines mêmes du festival, dans le contexte de la montée du fascisme en Europe. Conçu comme une alternative à la Mostra de Venise, créée sous Mussolini, le Festival de Cannes est lancé sous l’impulsion de Jean Zay, alors ministre de l’Éducation nationale. Au lendemain de la 2nd Guerre mondiale, la première édition se tient finalement en 1946, à l’automne.

« Le souffle de la Libération est palpable dans cette première édition, avec notamment La Bataille du rail de René Clément, un hommage à la Résistance cheminote, produit par une coopérative ouvrière fondée par la CGT », souligne Tangui Perron. Dans son ouvrage Tapis rouge et lutte des classes (Éditions de l’Atelier, avril 2024), il retrace le rôle fondamental joué par les syndicats, notamment dans la construction du premier Palais Croisette, grâce à l’engagement de nombreux militantes et militants des Alpes-Maritimes.

« Le cinéma est un art collectif, et le 7e art permet de se divertir, de réfléchir, mais aussi de se former », insiste l’historien.

À l’occasion des 130 ans de la CGT, plusieurs rendez-vous sont programmés entre le 13 et le 24 mai. Tangui Perron animera notamment une rencontre autour de ses ouvrages le 17 mai à la FNAC de Cannes. Une initiative est également prévue sur les allées de la Liberté, à deux pas du Palais des festivals. La fédération du spectacle et son syndicat des professionnel·les des industries de l’audiovisuel et du cinéma (SPIAC-CGT) seront présent·es comme tous les ans à leur stand dans le palais des festivals, pour accueillir les travailleur·euses.

Par ailleurs, la nouvelle édition de Visions Sociales, organisée par la CCAS et les CMCAS de la région se déroulera du 17 au 24 mai 2025, au Château des Mineurs à Mandelieu-La Napoule. Placée sous le parrainage de la réalisatrice et productrice franco-tunisienne Erige Sehiri, elle proposera une sélection de films éclectique, étonnante et atypique, en présence d’invités engagés. Pour celles et ceux qui ne pourront pas se déplacer, l’événement sera également accessible via la médiathèque numérique du site ccas.fr.

Bon festival à toutes et tous !

Stéphane Gravier

« Tapis rouge et lutte des classes » de Tangui Perron, édition de l’Atelier, avril 2024, 144 p., 16 euros.