La Biélorussie (parfois appelée Bélarus) est une vaste plaine, couverte à 40 % de forêt, bordée par la Russie à l’est, la Lituanie et la Lettonie au nord, la Pologne à l’ouest et l’Ukraine au sud. Rattachée à la Russie puis au grand-duché de Lituanie, à la république des Deux-Nations (formée par la Lituanie et la Pologne), puis à l’Empire russe, la Biélorussie est envahie par l’Allemagne durant la Première guerre mondiale. Le pays est dévasté, pillé par l’occupant, mais ce dernier lui concède une autonomie politique. Après l’armistice, la Biélorussie proclame son indépendance le 25 mars 1918. Elle est annexée par les soviétiques dès le 2 janvier 1919.

Détruit par les combats entre Allemands et Russes, le système électrique doit être reconstruit. D’anciennes centrales thermiques à moteur diesel installées à la toute fin du XIXe et au début du XXe siècle sont remises en état, et de nouvelles sont mises en chantier pour répondre à l’augmentation des besoins, avec notamment l’arrivée du tramway dans les villes. Le 15 mai 1932, l’administration soviétique crée l’entreprise publique Belenergo pour gérer le système énergétique biélorusse.

En juin 1941, l’Allemagne nazie envahit le pays. Près de 800 000 juifs sont exterminés et un quart de la population nationale est décimé. La capitale Minsk est reprise par l’Armée rouge le 3 juillet 1944 mais le territoire est, de nouveau, presque entièrement détruit, en particulier le système électrique. Après la fin des combats, le régime stalinien reconstruit et industrialise la Biélorussie, qui dispose de peu de ressources énergétiques ou minérales.

Une industrie dépendante des combustibles russes
Une nouvelle centrale thermique voit le jour à Minsk en 1951. Mais il faut attendre les années 1960 pour que les capacités de production décollent véritablement : la centrale de Byarosa pour la région de Brest-Litovsk ouvre en 1961, celle du Novopolotsk en 1966 et surtout celle de Lukoml en 1969, qui devient la plus puissante du pays. Pensées pour utiliser de la tourbe locale comme combustible, les centrales thermiques fonctionnent finalement avec du fioul, du charbon ou du gaz importés d’URSS. Elles ne suffiront bientôt plus à répondre aux besoins de ce territoire fortement industrialisé, qui recevra de l’électricité des centrales nucléaires de Tchernobyl et Rovno (Ukraine), de Smolensk (Russie) et d’Ignalina (Lituanie).

En 1986, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la centrale ukrainienne, a des conséquences désastreuses en Biélorussie : au moment de l’explosion, les vents soufflent vers le nord, et on estime que 70% des retombées radioactives atterrissent sur le quart sud-est de son territoire. Les autorités minimisent les contaminations mais un projet de construction d’une centrale nucléaire au sud de Minsk est abandonné. L’opacité entretenue autour de Tchernobyl participera à la chute du régime et, au bout du compte, à la dislocation de l’URSS.

La Biélorussie redevient indépendante le 25 août 1991. Stanislaw Chouchkievitch, premier président de la République, tente une politique de libéralisation et de rapprochement avec l’Ouest mais est rapidement destitué. Le 10 juillet 1994, le communiste Alexandre Loukatchenko est élu pour le remplacer. Il met en place un régime autoritaire, réprimant durement les oppositions, tout en conservant un Etat providence puissant et populaire. L’éducation et la santé, notamment, sont de très bon niveau, gratuits pour tous, et les entreprises publiques emploient environ la moitié des travailleurs du pays. Par la suite, Loukatchenko et ses soutiens remportent haut la main les différents scrutins législatifs et présidentiels, dont la sincérité est remise en cause par les Etats occidentaux.

De fait, Minsk fait l’objet de diverses sanctions économiques de la part des Etats-Unis et de l’Union européenne. Mais la Biélorussie est presque autonome en matière d’alimentation (elle importe moins de 10% de ses besoins) et réalise l’essentiel de ses échanges commerciaux avec Moscou, dont elle est très proche, et les pays d’Asie centrale. L’industrie biélorusse représente près de la moitié du PIB, la chimie et la pétrochimie pesant à elles seules 12%. Le pays possède à la fois des gisements de pétrole et deux gigantesques raffineries, qui lui permettent d’exporter différents produits pétrolier sur les marchés mondiaux, ainsi qu’une puissante filière bois. Dans le secteur agro-alimentaire, il se classe troisième producteur de lait d’Europe.

Crises gazières et programme nucléaire
Deux grands gazoducs traversent la Biélorussie pour acheminer du gaz naturel en provenance de Sibérie. Construit dans les années 1960 et 1970, Northern Lights dessert Minsk en 1974 puis s’étend vers l’Ukraine, la Pologne, la Lituanie. Plus récent (sa construction débute en 1994), Yamal-Europe suit le même itinéraire jusqu’en Biélorussie et dessert ensuite la Pologne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique.

Jusqu’au début des années 2000, la Russie approvisionne la Biélorussie en gaz à un prix très bas, de façon à y garantir son influence. Mais suite à la crise financière russe de 1998, les questions économiques deviennent prioritaires et Moscou réclame une revalorisation. Après plusieurs années de différends houleux, avec des siphonnages côté biélorusse et des interruptions de livraisons du côté de Gazprom, un compromis est trouvé en 2006 : le tarif du gaz acheté par Minsk passe de 46 à 100 dollars les 1 000 mètres cubes et tendra progressivement à s’aligner sur le prix de marché européen ; les frais de transit sont augmentés de 70% (un quart environ du gaz russe exporté en Europe passe par la Biélorussie) ; 50% du capital de Beltransgaz, l’opérateur national, est cédé à Gazprom. Malgré la proximité politique entre Minsk et Moscou, cette crise pousse les autorités biélorusses à chercher des solutions pour réduire la dépendance au gaz russe, alors que la quasi-totalité des centrales électriques du pays utilise ce combustible.

En 2007, le gouvernement lance un appel d’offres pour la construction d’une centrale nucléaire. Sans surprise, l’affaire est conclue avec la Russie, qui fournit la technologie, le combustible et 90% des capitaux, sous forme de prêts, pour financer les travaux. Minsk choisi d’implanter les réacteurs à Astraviets, au nord du pays, déclenchant une grave crise politique avec la Lituanie voisine. D’une part, le site nucléaire se trouve à 15 kilomètres de la frontière et à 50 kilomètres de Vilnius, la capitale lituanienne, soit la moitié de la distance préconisée par l’Agence internationale de l’énergie atomique. D’autre part, la rivière prévue pour refroidir la centrale fournit l’eau potable de Vilnius. Compte-tenu de ces aspects géographiques et de la nature autoritaire et opaque du régime biélorusse, le Parlement lituanien considère que le projet est une atteinte à la sécurité nationale.

Malgré les efforts de Vilnius pour contrecarrer le programme nucléaire biélorusse, un premier réacteur est mis en service en novembre 2020, puis un second est raccordé en 2023. Il s’agit de modèles VVER d’une puissance de 1,2 gigawatts chacun, qui couvrent environ la moitié des besoins nationaux.

Une autonomisation difficile
Le 26 janvier 2025, Alexandre Loukatchenko (71 ans) est réélu pour un septième mandat consécutif à la tête de l’Etat biélorusse. Lors du précédent scrutin, cinq ans plus tôt, il réprimait durement des manifestations pro-démocartiques, et prononçait la dissolution de tous les syndicats indépendants. A moins d’un très improbable soulèvement populaire, le pouvoir autoritaire en place est donc amené à se maintenir. Dépendant de la Russie et allié de Vladimir Poutine, il a soutenu l’attaque contre l’Ukraine et aidé Moscou à contourner les sanctions européennes. Il cherche pourtant, avec prudence, à affirmer sa souveraineté, autant que son gigantesque voisin le tolère.

Dans le secteur énergétique, le programme nucléaire n’a pas réduit, à court terme, la dépendance à la Russie, Minsk devant à présent rembourser la construction d’Astraviets. Mais à long terme, il peut permettre une relative émancipation. La Biélorussie compte aussi sur le marché commun de l’électricité mis en place dans le cadre de l’Union économique eurasienne (avec l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et la Russie) pour diversifier ses importations de courant et ses exportations de surplus. Elle souhaiterait enfin exploiter davantage ses propres ressources : 150 à 250 millions de tonnes de charbon, 85 millions de tonnes de tourbe récupérables, 3,6 milliards de tonnes de pétrole de schiste. Encore faut-il réunir les capitaux nécessaires, ce qui, compte tenu de la situation géopolitique et de la législation biélorusses, s’annonce complexe.
Aurélien Bernier